Sanctions RGPD, contrôles, violations massives et accompagnement d'entreprises innovantes : le rapport de la CNIL sur son activité en 2024 dresse un panorama complet de la protection des données.
Une année importante pour la CNIL
L'année 2024 a confirmé la montée en puissance de la CNIL en tant qu'autorité de régulation centrale sur les questions de protection des données personnelles. Dans un contexte marqué par la prolifération des cybermenaces et l'émergence de nouvelles technologies, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a publié un rapport annuel riche en enseignements.
L'accent a été mis sur une répression plus réactive, une meilleure collaboration européenne et un accompagnement ciblé des acteurs innovants. Le rapport annuel CNIL 2024 s'adresse à un large public : particuliers, professionnels, étudiants, ou simples curieux souhaitant comprendre les enjeux actuels de la protection des données personnelles et les actions concrètes mises en place par la CNIL pour faire respecter le RGPD.
Sanctions et contrôles : des chiffres en forte progression
Quelques chiffres clés sur l'intensification de l'activité de la CNIL
En 2024, la CNIL a réalisé 321 contrôles et prononcé 87 sanctions, dont 69 par procédure simplifiée. Le montant total des amendes RGPD s'élève à plus de 55 millions d'euros. Ces chiffres marquent un doublement par rapport à 2023 et illustrent une volonté de plus en plus affirmée de faire respecter les obligations légales.
Parmi les secteurs les plus touchés, les télécommunications et les réseaux sociaux concentrent près de la moitié des plaintes. La santé, bien que moins représentée en volume, reste un secteur hautement sensible.
Procédures simplifiée : gain d'efficacité, mais constats récurrents
Instaurée en 2022, la procédure de sanction simplifiée a permis de traiter rapidement des dossiers ne présentant pas de complexité juridique majeure. En 2024, cette méthode a représenté 79 % des sanctions prononcées.
Les manquements les plus fréquents sont révélateurs : défaut de coopération avec la CNIL, non-respect des droits des personnes, manque de sécurité, ou encore collecte excessive de données. Ces infractions, parfois basiques, montrent que certaines organisations n'ont toujours pas intégré les réflexes de la conformité au RGPD.
Des violations de données d'ampleur inédite
Une explosion de leur volume et leur gravité
La CNIL a reçu 5 629 notifications de violations de données en 2024. Un chiffre qui témoigne non seulement d'une augmentation des incidents, mais aussi de leur ampleur croissante : certains cas touchent plusieurs millions de personnes.
Tous les secteurs sont concernés : de la grande distribution à la finance, en passant par les collectivités locales. Cette situation pose la question de la maturité des organisations en matière de cybersécurité et de prévention des risques.
Les recommandations clés de la CNIL pour sécuriser les systèmes d'information
Face à cette situation, la CNIL publie un ensemble de recommandations incontournables. Parmi les mesures prioritaires :
- Appliquer rapidement les mises à jour de sécurité,
- Renforcer les mots de passe et utiliser l'authentification multifacteur,
- Former régulièrement les utilisateurs,
- Assurer des sauvegardes déconnectées.
En partenariat avec l'ANSSI, la CNIL insiste aussi sur la détection précoce d'activités anormales grâce à l'analyse des journaux d'événements et la limitation des accès aux seuls dispositifs authentifiés. Ces pratiques, bien que techniques, doivent être vulgarisées au sein des entreprises pour garantir leur adoption.
Le dossier patient informatisé (DPI) : priorité sanitaire et juridique
Le dossier patient informatisé (DPI) reste l'une des préoccupations majeures de la CNIL, en raison de la sensibilité extrême des données de santé qu'il contient. Depuis 2020, la Commission a mené treize contrôles ciblés dans ce domaine, mettant en évidence des lacunes récurrentes en matière de sécurité informatique, de traçabilité des accès, et de respect des droits fondamentaux des patients.
En 2024, plusieurs établissements de santé ont fait l'objet de mises en demeure pour ne pas avoir sécurisé l'accès à ces dossiers. Le rapport annuel rappelle que seules les personnes justifiant d'un besoin d'en connaître, déterminés comme faisant partie de l’équipe de soins (Art. L. 1110-12 du code de la santé publique), telles que les professionnels de santé directement impliqués dans la prise en charge du patient, doivent pouvoir y accéder. Cette exigence s'appuie notamment sur le règlement général sur la protection des données (RGPD), mais aussi sur l'article L.1110-4 du Code de la santé publique, qui impose le droit pour toute personne du respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Pour être conformes, les établissements doivent mettre en place trois mesures prioritaires :
- Une authentification robuste, impliquant des mots de passe complexes et/ou une authentification multifacteur ;
- Des habilitations individualisées, garantissant que chaque utilisateur n'accède qu'aux données nécessaires à ses missions ;
- Une traçabilité précise des connexions, permettant de savoir qui a accédé à quel dossier, quand, et dans quelles conditions.
Le rapport met aussi en garde contre la banalisation de l'accès en lecture libre aux DPI, pratique encore observée dans certaines structures. Une telle politique expose les établissements à des risques juridiques et réputationnels majeurs, et à des sanctions financières. Pour la CNIL, le DPI est un cas d'école : il illustre la nécessité de penser la conformité RGPD dès la conception des systèmes d'information.
Contrôles 2024 : droit d'accès et cookies en ligne de mire
Le droit d'accès, enjeu récurrent et européen
Pour la troisième année consécutive, le droit d'accès a fait l'objet d'une action coordonnée par le Comité européen de la protection des données (CEPD). Sur les 321 contrôles de 2024, un nombre important a ciblé la capacité réelle des entreprises à répondre aux demandes d'accès dans les délais prévus.
Dans de nombreux cas, les mécanismes en place sont insuffisamment déployés ou trop complexes pour les utilisateurs. Il est pourtant essentiel d'offrir une interface claire, rapide et sécurisée pour exercer ce droit fondamental.
La CNIL insiste donc sur le fait de mettre des dispositions adéquates en œuvre afin de rendre l’exercice de ce droit effectif.
Cookies : encore trop de pratiques abusives
La CNIL a réalisé 40 contrôles en ligne spécifiquement ciblés sur les bandeaux de consentement aux cookies. Beaucoup de sites utilisent encore des formulations trompeuses ou des paramétrages techniques qui induisent les utilisateurs en erreur.
Les exigences sont telles que le rappel l’autorité : permettre un refus aussi facile que l'acceptation, préciser la finalité des traceurs, et limiter leur activation avant consentement. Ce sujet reste emblématique de la confiance numérique : un bandeau clair est souvent la première impression qu'un visiteur a de votre site.
L'accompagnement d'entreprises innovantes
Un soutien stratégiques à quatre structures
En 2024, la CNIL a renforcé sa stratégie d'échanges avec les acteurs du numérique en proposant un accompagnement personnalisé de 6 mois à quatre entreprises innovantes : Docaposte, Doctrine, la Française des Jeux et ShareID.
L'objectif : évaluer leurs pratiques, répondre à leurs questions juridiques, et proposer des recommandations concrètes. Ce dispositif s'adresse à des organisations en forte croissance, confrontées à des problématiques RGPD complexes (IA, identité numérique, traitement massif).
Une méthode d'accompagnement reproductible
Le programme comporte trois volets :
- Un appui technique et juridique sur les traitements sensibles ;
- Une revue de conformité des outils et services ;
- Des actions de sensibilisation interne (salariés, dirigeants).
Les enseignements issus de cet accompagnement seront partagés publiquement via les publications officielles de la CNIL, contribuant ainsi à une montée en compétence collective du tissu numérique français.
Intelligence artificielle
Encadrer l'innovation par la régulation
L'année 2024 a confirmé l'engagement de la CNIL en matière de régulation de l'intelligence artificielle (IA). Consciente de l'impact grandissant de cette technologie sur la vie privée, l'autorité française a multiplié les initiatives pour clarifier les règles et accompagner les acteurs économiques.
Dans le cadre de son plan stratégique 2025-2028, la CNIL a identifié l'IA générative comme l'un des axes prioritaires. Elle a publié une première série de questions réponses visant à aider les entreprises à concilier développement technologique et respect du RGPD. Elle a également participé à l'élaboration du règlement européen sur l'IA (AI Act), en coordination avec ses homologues européens.
L'approche de la CNIL repose sur quatre piliers :
- Renforcer sa compréhension des systèmes d'IA pour anticiper les risques ;
- Clarifier le cadre juridique applicable aux traitements algorithmiques ;
- Sensibiliser le grand public à leurs droits et aux usages de l'IA ;
- Concevoir des méthodologies d'audit des systèmes d'IA déployés en entreprise.
Cette dynamique s'inscrit dans une logique de régulation par la confiance, visant à promouvoir une IA responsable qui protège les libertés fondamentales tout en soutenant l'innovation économique.
En conclusion : La nécessité de renforcer sa maturité numérique en 2025
Le rapport annuel CNIL 2024 confirme que la régulation des données personnelles n'est plus une simple contrainte juridique. Elle devient un enjeu stratégique au croisement de la confiance client, de la performance systémique et de l'image de marque.
Pour les entreprises, TPE comme grands groupes, l'heure est à la professionnalisation de la gouvernance des données. Investir dans un DPO compétent, une gouvernance de la protection des données efficace et des formations ciblées ne relève plus du luxe, mais de la nécessité.